17 octobre 2005

UN HOLOCAUSTE SANS TÉMOINS

40ième anniversaire du massacre en Indonésie

C’était le silence complet depuis le 30 septembre dernier dans les médias concernant le 40ième anniversaire de l’holocauste indonésien alors, comme d’habitude, c’est notre devoir à La Levée de vous faire connaître des événements dont on n’entend vraiment pas assez parlé.

Alors le 30 septembre 1965 a eu lieu le début du renversement du président progressiste de l’Indonésie, Sukarno.

Le putsch a été réalisé avec le soutient de la CIA et aux lendemains un véritable massacre des communistes et des démocrates indonésiens a été déclenché faisant entre 500 000 et 2 millions de victimes.

À l’époque, le régime indépendantiste de Sukarno, soutenu par le Parti communiste indonésien (PKI), constitue, selon Washington, un foyer « d'infection » susceptible de « s'étendre à l'ouest », et d'autant plus inquiétant que le PKI se renforçait d'une élection à l'autre

Le PKI avait 3,5 millions de membres (sur une population alors d'une centaine de millions d'habitants) et était appuyé par d'importantes organisations de masse, parmi les paysans, les femmes et les jeunes, en somme capables de rassembler quelque 15 millions de personnes

Un groupe de fonctionnaires du département d'État et de la CIA avait consacré deux ans à la constitution de ces listes de communistes. Alors dès 1963, Washington préparait une action subversive en Indonésie.

Suharto était alors commandant des forces stratégiques de l'armée et une campagne de propagande minutieusement préparée contre les communistes a mené à une méthodique et sanglante chasse aux athées.

Le PKI, et toutes les organisations qui lui étaient proches : syndicats, fédération des enseignants, organisations de jeunesse, des femmes, etc., ont été anéantis en quelques semaines.

En mars 1966, Sukarno fut écarté officiellement du pouvoir par Suharto.

Les listes dressées par les fonctionnaires américains ont concerné des milliers de personnes allant des responsables communistes indonésiens, depuis les échelons supérieurs jusqu'aux cadres locaux dans les villages.

Ces listes ont, par la suite, été remises aux militaires indonésiens pour perpétrer leurs massacres. En retour, l'ambassade américaine recevait des putschistes la liste des personnes assassinées, permettant un pointage systématique par la direction de la CIA à Washington, des exécutions qui avaient été menées à bien.

Vers la fin de janvier 1966, les noms rayés sur les listes étaient si nombreux que les analystes de la CIA ont conclu à la destruction de la direction du PKI

Il y eut aussi plus d'un million de personnes, accusé d’appuyer les communistes ont été incarcérées ou déportées dans l'île de Buru. Emprisonnées sans jugement durant dix à quinze ans.

Ces personnes sont devenues une sous-classe en Indonésie et on les connaît sous le nom de tapols.

Les droits politiques de millions des tapols n'ont pas été rétablis. L'ostracisme qui les frappe perdure, profondément ancré dans la conscience intime de la nation indonésienne elle-même

Écrire « classe ouvrière » dans un journal est passible de douze années de prison pour « incitation à la propagande communiste

En annonçant en avril 1999 la création d'un « institut d'études sur les massacres de 1965-1966 », un comité d'anciens tapols, dont le célèbre écrivain Pramoedya, s'est donné pour but de rassembler toutes les informations pouvant être collectées à travers le pays sur les massacres et de cerner au plus juste le nombre des victimes

Évidemment, le gouvernement refuse de les aider dans leurs recherches et la population en général préfère l’ignorance par rapport à ces événements tragiques.

L’Holocauste indonésien a été l’élément fondateur de l’Indonésie que l’on connaît aujourd’hui…on en parle après la musique.

On parlait du silence généralisé entourant le 40ième anniversaire de l’holocauste indonésien auquel la CIA avait directement participé et qui fait entre 500 000 et 2 millions de victimes en 1965.

La majorité des victimes étaient des membres du parti communiste, de simples activistes, les membres de la minorité chinoise, les athées et les Chrétiens.

C’était sans aucun doute une des pires campagnes de nettoyage religieux, ethnique et politique du 20ième siècle.

À Jakarta, la capitale de l’Indonésie, entre 40 et 50 personnes se sont réunies dans le centre culturel allemand (belle ironie) pour lire de la poésie et écouter le plus grand écrivain indonésien Pramoedya Ananta Toer.

La propagande indonésienne traite ses événements là comme un moment glorieux où la tentative des communistes de prendre le contrôle du pays avait été repoussée et l’armée sous Suharto avait sauvé la nation.

Le silence a aussi sa source dans le fait que presque aucune famille de Java, l’Île principale de l’Indonésie n’est sans blâme et beaucoup ont des bourreaux parmi leur membre alors on n’ose pas trop ouvrir cette boîte de Pandore.

Le gouvernement n’a même plus besoin de censurer qui que ce soit pour enterrer l’holocauste, les journalistes et les académiciens le font par eux-mêmes.

Les structures mêmes de la société indonésienne, les liens familiaux, l’oppression religieuse, font en sorte que la vaste majorité de la population ne veut rien savoir du passé.

D’autant plus qu’il y a des problèmes insurmontables en Indonésie, en fait, le pays s’écroule au moment où je vous parle.

Les infrastructures sont en train de pourrirent : les autoroutes, les systèmes ferroviaires, les ports, les aéroports, les télécommunications, les écoles et les hôpitaux sont dans un état lamentable.

Y’a juste 20% à 30% de la population urbaine qui a accès à de l’eau potable du robinet;

Le pays est un exportateur majeur de d’enfants prostitués

On peut voir des enfants de moins de 10 ans quêter à tous les coins de rue de Jakarta.

Près de 50% de la population vie avec moins de 2$ par jour

La corruption est omniprésente au point où les représentants du gouvernement volent ouvertement l’argent de petits projets supposés aider les pauvres.

La puissante armée et la police abusent la population en toute impunité.

La religion musulmane 80% à 85% de la population s’impose profondément sur le pays, une version oppressive de l’Islam qui ne laisse aucune place aux autres religions.

Pire, c’est encore officiellement interdit d’être athée en Indonésie et chaque citoyen doit choisir entre une des cinq religions permises par la loi.

Ce lamentable état de l’Indonésie est un héritage direct de l’holocauste de 1965.

La 4ième population en importance dans le monde est incapable de produire une opposition forte et variée au régime.

Mais la répression généralisée en Indonésie n’est pas une excuse valable pour justifier le silence de nos médias par rapport aux terribles massacres et la destruction qui ont eu lieu là-bas il y a 40 ans.

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