20 juin 2005

RONDES DE COMBAT

Une première ronde d'élections présidentielles en Iran sous la menace militaire américaine. Le Ghana contre le FMI pour le droit à l'autosuffisance alimentaire. La porte s'ouvre pour la privatisation de notre système de santé au Québec alors que les listes d'attentes s'allongent. Les ministres de la finance des pays du G8 parlent d'éliminer la dette des pays les plus pauvres mais instaurent un racket à la place.


Élections présidentielles en Iran : de 1000 à 7 à 2 candidats...conservateurs

La première ronde de l'élection présidentielle avait lieu vendredi et les premiers résultats indiquent que ça prendra une deuxième ronde vendredi prochain pour trouver un gagnant.
Ça sera une lutte à finir entre le maire conservateur de Téhéran - Mamhoud Ahmadinejad (19,5%) et l'ancien président qui a mené l'Iran entre les années 1991 et 1997 - qu'on dit pragmatique… Akbar Hashemi Rafsanjani (21%).
On s'attendait à ce que Rafsanjani soit de la course, mais peu avait prédit que le maire de Téhéran allait remporter autant de voix.
Mehdi Karroubi, un réformiste, a terminé troisième avec 17,3% des votes.
Celui-ci conteste les résultats en appelant pour une enquête…Il ne pourra pas participer lors de la deuxième ronde.
Y'a notre Pierre Pettigrew national qui a vertement critiqué le processus électoral iranien en disant que c'est un processus qui donne trop d'importance à un corps non élu.
C'est qu'au début il y avait 1000 candidats aux présidentielles et c'est un conseil du clergé, l'autorité suprême du pays, avec à sa tête l'Ayatollah Ali Khamenei, qui a décidé de ceux qui peuvent se présenter.
Des groupes de dissidents et d'étudiants iraniens ont appelé à un boycott des élections parce que l'Ayatollah a refusé que des femmes et des réformistes fassent partie de la course.
Pendant ce temps-là, y'a Washington qui condamne aussi le processus et qui lance des menaces à demi voilées.
Il demeure que parmi les sept candidats d'origine il y avait pas mal de différences qui les séparaient et qu'une partie considérable de la population iranienne conteste ouvertement l'autorité du clergé.
Alors vendredi prochain ça se décidera entre Rafsanjani (qui tient un discours de réconciliation avec les ÉU et de libéralisation économique, ainsi que plus de liberté d'expression; certains croient que ce discours est fait pour plaire aux jeunes Iraniens et qu'il ne tiendrait pas ses promesses s'il remporte la présidence) et Mamhoud Ahmadinejad.
Alors même s'il existe un mouvement fort pour réformer le pays et l'éloigner du règne de la théocratie, il demeure que Bush préfèrerait changer le régime avec des bombes.
Il va sans dire que Washington aurait aimé que l'Iran élise un candidat hyper conservateur, question de justifier une intervention militaire là-bas.
Le problème c'est que si les bombes américaines pleuvent sur l'Iran, c'est le pouvoir du clergé qui s'en trouvera renforcé…
C'est drôle que Bush soit aussi sévère envers l'Iran, car pendant ce temps-là il louange les régimes beaucoup plus répressifs en Arabie saoudite et en Égypte.
À voir vendredi prochain…

Ghana contre le FMI : pieds de poule version africaine

On a souvent parlé ici des problèmes que causent l'institution financière, le mal incarné, qu'est le Fonds monétaire international.
On en reparlera même pendant la deuxième heure et pour l'instant je vous transmets un exemple concret de la souffrance que le FMI impose sur un pays pauvre en Afrique, le Ghana.
C'est un pays de l'Afrique occidentale ayant une population de 15 millions.
Depuis plusieurs années, le Ghana a été littéralement inondé de poulet cheap venu des ÉU et de l'Europe.
C'est un phénomène que l'on appelle du dumping. L'industrie du poulet étant fortement subventionnée dans les pays riches, les surplus de production sont dompées dans les pays du tiers-monde à des prix de loin inférieurs à ce que le poulet coûte localement.
En conséquence, le marché domestique du poulet s'est effondré sous 40 000 tonnes de poulet cheap venu de l'Ouest.
En 1992, il y avait 400 000 éleveurs de poulet au Ghana, ils fournissaient 95% du marché local, mais en 2001 ils ont vu leur part de marché réduit à 11%.
Les producteurs étrangers paient un tarif ou une taxe de 20% sur le poulet qu'ils envoient au Ghana.
En 2003, le gouvernement ghanéen a décidé d'augmenter ce taux à 40% pour freiner un peu l'inondation qui tuait l'industrie locale…
Mais notre cher FMI a bloqué la proposition. Rappelons que le FMI est une institution qu'aucun Ghanéen n'a élue.
Le FMI clame que la hausse des tarifs nuirait au «programme ghanéen de réduction de la pauvreté»!
On voit à quel point le FMI est aveuglé par son idéologie du tout-marché pour les pauvres et les subventions pour les riches.
D'autant plus que selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce, le Ghana aurait le droit de hausser ses tarifs sur les importations de poulet à un niveau de 90%, vu que l'industrie à l'Ouest est boostée aux stéroïdes des subventions…
Les programmes d'ajustement structurel du FMI - les conditions imposées par l'institution financière pour accorder des prêts au pays, - font en sorte qu'il est interdit au Ghana de subventionner ses propres industries alimentaires.
Conséquence : le Ghana voit son auto-suffisance alimentaire disparaître depuis les 20 dernières années.
N'étant plus capable de vendre leur stock de riz, de tomate et de poulet, des milliers de jeunes fermiers migrent vers les centres urbains dans l'espoir de se trouver un emploi inexistant.
Tout ça sans parler du fait que les poulets de l'Europe et des ÉU présentent des menaces à la santé publique.
Les surplus sont déjà de mauvaise qualité et le temps que ça prend pour arriver en Afrique les poulets ont gelé et dégelé plusieurs fois.
On estime même que 15% du stock est infecté de salmonelle.
Bref, les éleveurs de poulet ont apporté leur cause d'élever les tarifs devant la cour suprême du Ghana, parce qu'ils jugent que les actions du gouvernement, qui agit sous les ordres du FMI, sont contraires à leurs droits constitutionnels.

Privatisation de la santé au Québec : cercle vicieux

Le 9 juin dernier la Cour Suprême du Canada tranchait en faveur d'une certaine privatisation de notre système de santé.
4 juges sur 7 ont décidé que les temps d'attentes sont trop longs dans le système québécois et qu'il est temps pour ceux qui peuvent payer pour du traitement privé soient mesure de le faire.
Tout ça a commencé lorsque le dr. Jacques Chaoulli et son patient George Zeliotis sont allés en cour contre notre province sous prétexte que nos lois sur l'assurance-santé ne permettaient pas à Zeliotis de s'acheter des soins privés afin d'éviter la longue liste d'attente pour son intervention chirurgicale.
Leur cas a été refusé par la cour supérieure du Québec et une autre fois par en appel.
C'est alors que Chaoulli et Zeliotis ont approché la cour suprême du Canada : ils ont plaidé que la prohibition du Québec envers une assurance-santé privée contredisait la charte québécoise des droits et libertés.
Ça prit un an à la cour suprême à prendre sa décision. Ils ont entendu le plaidoyer d'un paquet de cliniques privées ainsi que 10 sénateurs favorables au duo, à leur tête le sénateur Michael Kirby.
Alors 4 des 7 partageaient leur avis; les 3 autres étaient fortement en désaccord avec leur position.
Le problème dans tout ça c'est la longueur des listes d'attente et le temps d'attente.
Les 4 juges ont dit que les Québécois ont le droit de se prémunir d'une assurance-santé privé afin d'obtenir des soins de santé qui sont mal couverts par notre système public.
Ce que la cour suprême dit en gros c'est qu'il faut améliorer notre système public. Que les temps d'attente sont inacceptables.
L'origine du problème vient des coupures draconiennes de la part du gouvernement fédéral au milieu des années 90.
Ces coupures fédérales ont mené à une restructuration massive et des coupures de services au niveau provincial.
Résultat : il faut attendre de plus en plus longtemps pour obtenir des soins, ce qui est en soit une menace à la santé.
Le danger est clair, pourtant : si on ouvre la porte aux soins de santé privée, une partie de plus en plus considérable de notre système se convertira en système pour les riches, réduisant encore plus la capacité du système public d'être efficace.
C'est une pente très glissante, duquelle on aura un mal fou à remonter : la population ne voudra plus payer les taxes pour le supporter et ceux qui utiliseront les soins privés vont se foutre du fait que le système public se dégrade…
Attendons-nous maintenant à ce qu'il y ait une augmentation de la pression pour un système à deux vitesses, avec le danger d'avoir un système à l'Américain hyper-coûteux et inefficace.
Entre payer ses impôts et partager collectivement les coûts d'un bon système ou payer une beurrée en assurance privée et faire faillite pour traité un cancer, il me semble que le choix est clair…

Élimination de la dette des pays pauvres : payant, en fin de compte!

Encore une fois, je vous rapporte les propos de George Monbiot, chroniqueur au journal britannique The Guardian.
Samedi dernier sept ministres de la finance des pays du G8 s'étaient rencontrés pour négocier l'élimination de la dette des pays les plus pauvre du monde contractée chez la BM et le FMI.
Il est très important de rappeler encore et toujours que la majorité de l'argent prêté par la BM et le FMI l'a été envers des régimes de dictateurs corrompus.
Et qu'on aurait jamais dû subir les populations aux conditions extrêmes afin de rembourser ses montants-là.
En 2005, c'est absolument obscène de demander à des pays pauvres de payer plus en remboursement de dette qu'en santé et en éducation.
Alors on parle d'éliminer la dette, mais il y a bien sûr des conditions, et comme on pouvait bien s'y attendre, elles sont tout aussi obscènes :
Pour avoir à l'élimination de la dette, les ministres des finances du G8 demandent que les pays s'attaquent à la corruption, qu'ils accélèrent le développement du secteur privé et qu'ils éliminent les embûches à l'investissement privée domestique et étranger.
Il n'y a rien de mal à vouloir combattre la corruption, sauf qu'on se demande d'où ça sort puisque la BM et le FMI ne se sont jamais gênés de prêter de l'argent à des dirigeants corrompus :
Mobutu au Zaïre, Suharto en Indonésie, Marcos aux Philippines, etc. La liste est longue !
Les dirigeants du G8 font semblant de vouloir s'en prendre à la corruption; en fait 25 pays ont ratifié un traité de l'ONU contre la corruption, mais aucun de ceux-là sont des pays du G8.
Pourquoi ? Simplement parce que les entreprises transnationales issues du G8 dépendent du fait que les dirigeants de la planète sont achetables pour accroître leurs profits.
Le problème avec les conditions pour éliminer la dette ou pour accorder des prêts supplémentaires ce n'est pas le fait de simuler vouloir combattre la corruption, c'est que ces conditions deviennent une arme pour transgresser la souveraineté d'un pays.
C'est-à-dire forcer la commercialisation à outrance, privatiser les ressources de l'État, la libéralisation des échanges et du flot des capitaux.
Les gouvernements du G8 affirment vouloir aider les pays pauvres à se développer, mais selon Monbiot, ils ont tout intérêt à ce que leur développement soit un échec afin que nos compagnies puissent s'approprier leurs services publics et acheter leurs commodités à des prix plancher.
Oui, on devrait annuler les dettes contractées illégitimement, mais sans conditions et le plus tôt possible.
Petits conseils de lecture : «L'argent du monde» de Jean-Jacques Pelletier et «Confessions of an economic hitman» de John Perkins.

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