07 novembre 2005

L'ÉVEIL ANTI-IMPÉRIALISTE

Argentine : Manifestations contre l'Amérique de Bush

C’était le quatrième Sommet des Amériques qui se terminait samedi dernier à Mar del Plata en Argentine : on a conclu le sommet en parlant du slogan «développé des emplois décents pour affronter la pauvreté et renforcer la démocratie gouvernementale.»
À savoir si la ZLÉA peut atteindre ces objectifs, rien n’est moins sûr.
Lors de ce beau sommet à cette ville côtière George W. Bush n’a pas réussi à obtenir le feu vert qu’il cherchait pour relancer les négociations pour l’échange hémisphérique aussi tôt qu’il l’aurait souhaité.
Au contraire, le tout s’est presque terminé par un échec total et la fin définitive de la ZLÉA.
Une majorité de pays des Amériques ont signé le document final qui appelle au lancement des négociations pour la ZLÉA à un moment donné l’année prochaine.
Mais cinq pays, incluant le pays hôte l’Argentine et le Brésil ont insisté pour dire que les conditions idéales ne sont toujours pas en place pour l’avènement de la ZLÉA.
Pendant ce temps-là…à l’image du sommet des Amériques de Québec il y avait beaucoup de manifestants dans les rues de Mar del Plata.
La cause principale des manifs était bien sûr la présence de George W. Bush qui était bien emmuré dans l’hôtel Sheraton avec une belle vue sur le terrain de golfe plutôt qu’une vue sur les manifestants.
Des sources au bureau de droits humains de Mar del Plata ont annoncé que les forces de l’ordre ont utilisé des explosifs, du gaz lacrymogène et des balles de caoutchoucs pour contrôler les manifestants.
Il y avait aussi de grandes manifestations anti-Bush dans 200 autres villes de l’Argentine.
Se tenait aussi en même temps le troisième contre-sommet des Amériques, plutôt connu sous le nom du sommet des peuples…aussi tenu à Mar del Plata, mais recevant presque autant d’attention des médias de masses argentins.
En fait, de ce que j’ai pu lire semblerait que depuis quelques semaines et pour la première fois depuis les années 1970 l’anti-impérialisme semble avoir retrouvé sa place dans le discours public.
En effet, le mot impérialisme pour ne pas dire capitalisme semblerait avoir complètement disparu du discours public pendant les années 1990…ça sortait plutôt des bouches des noyaux durs de la gauche.
Un sondage sorti samedi dans le journal argentin le plus important confirmait une nette tendance anti-impérialiste : seulement 9% de la population croit que le sommet des Amériques aidera le peuple.
En popularité le président du Venezuela Hugo Chavez a reçu un appui favorable à 38%, tandis que 9% sont favorables à Bush.
Que la visite de Bush ait provoqué autant de manif on s’y attendait, mais pas l’appel à la grève général du CTA, un des syndicats majeurs du pays.
Personne n’aurait pu deviner à quel point monsieur-madame tout le monde en plus des personnalités publiques allaient participer aux activités anti-Bush.
Jeudi soir un fort contingent a pris le train anti-ZLÉA de Buenos Aires vers Mar del Plata avec à sa tête l’ancienne méga-vedette de soccer Diego Maradonna, le très populaire candidat à la présidence en Bolivie Evo Morales était aussi dans le train…
À Mar del Plata 40 000 personnes se sont réuni dans un stade de soccer pour entendre un discours de deux heures d’Hugo Chavez.
Chavez avait parlé de sa vision d’une société post-capitaliste, ce qu’il appelait le socialisme du 21ième siècle.
On a bien fait en Argentine de mentionner la visite de la secrétaire d’État Condoleezza Rice au Canada dernièrement.
Une visite où elle a très bien montrer que les ÉU se plie aux décisions de l’OMC et même de l’ALÉNA lorsque ces décisions ne font pas l’affaire des lobbyistes près du pouvoir à Washington.
Plusieurs éditoriaux ont souligné que si l’ALÉNA fonctionne mal entre deux pays très proches comme le Canada et les ÉU…ce n’est pas pour rien que des pays comme l’Argentine, le Brésil, Cuba, le Venezuela et l’Uruguay s’opposent à la ZLÉA.
Alors, semblerait que l’on assiste à une sorte de révolution en Argentine aussi.
Les travailleurs dans plusieurs secteurs demandent maintenant d’être payé un salaire décent et du plus en plus, ils prennent possession d’entreprises abandonnées par les investisseurs pour les faire fonctionner selon les principes de l’autogestion et de l’élimination des hiérarchies…
Cette nouvelle forme de production ébranle les fondements du capitalisme…on en reparle après la musique.


On parlait de l’Argentine et de l’éveil des Argentins lors du Sommet des Amériques tenu là-bas en plus de la visite de Bush cette fin de semaine.
Ça faisait longtemps semble-t-il que les mots impérialisme et socialisme avaient pris leur place dans les discours public.
Au cours des derniers mois, la résistance à la globalisation financière à la FMI est venue surtout des travailleurs qui demandent des salaires décents, voire le droit même de travailler.
Michael Albert, mon mentor et rédacteur en chef de l’excellent Z Magazine est aller en Argentine voir comment le mouvement des travailleurs s’y prenait pour récupérer des usines laissées à l’abandon.
Au cours des années 1990, lorsque le vent du néo-libéralisme soufflait fortement sur l’Argentine, un paquet d’entreprises ont fait banqueroute.
Pur s’assurer un gagne-pain, plusieurs travailleurs ont décidé de prendre possession des lieux et d’essayer de ramener ces usines en fonction.
Ces braves travailleurs ont ignoré l’opposition de l’État, la compétition agressive, l’équipement désuet et on tenté de remettre en marche plus de 200 usines au cours des cinq dernières années.
Faut souligner que non seulement les propriétaires avaient abandonnés ces usines, toutes les équipes de gérants et de comptables l’ont fait aussi.
Il fallait donc que plusieurs travailleurs habitués au travail manuel se mettent en mesure d’accomplir des tâches conceptuelles.
Dans chacune de ces usines, qui variaient entre 80 et 500 travailleurs, ils ont rapidement formé des conseils de travailleurs pour prendre les décisions.
Et tout aussi rapidement ils ont conclu que tous les travailleurs allaient recevoir le même salaire par heure.
Certains lieu de travail ont choisi de payer un peu plus pour du travail conceptuel et d’autres ont plutôt choisi de payer plus pour du travail abrutissant.
La tendance général selon Michael Albert semble de donner la chance au plus grand nombre d’apprendre comment réaliser des tâches conceptuelles parce que ça serait dans le meilleur intérêt de tous.
C’est que une fois débarrasser du patron investisseur, les travailleurs deviennent tout à coup beaucoup intéressé à monter le niveau général plutôt que de lutter entre eux pour les meilleurs postes.
Par contre, Albert a noté qu’il n’y avait pas d’urgence pour profondément repenser la manière de réaliser les tâches conceptuelles et manuelles.
Dans trop de cas la réalisation de ces tâches se fait par des groupes séparés les uns des autres.
En d’autres mots, malgré les bonnes intentions trop de personnes passent des heures à réaliser des tâches abrutissantes pendant que d’autres font des tâches conceptuelles qui leur donnent plus de pouvoir pour diriger les conseils de travailleurs.
Faut connaître Michael Albert pour savoir pourquoi ce fait lui tient tant à cœur : il est le co-créateur de l’économie participative, une alternative théorique au système capitaliste.
Dans l’économie participative, il propose que les boulots traditionnels soient remplacés par des ensembles équilibrés de tâches ou chacun aura un mélange équivalant de tâches dégradantes et enrichissantes…de manière à ce que à la fin de la journée tous seraient en mesure de contribuer équitablement aux prises de décision qui affecteraient la production.
Mais il demeure que les conseils de travailleurs argentins arrivent à maintenir les usines à flots et à discipliner les travailleurs qui ne font pas leur boulot ou qui nuisent à la production.
En somme, les travailleurs jouissent maintenant non seulement de meilleurs salaires, mais de bien meilleures conditions, de dignité et d’un sens de solidarité et d’entraide mutuel qui n’existe tout simplement pas dans les lieux de travail capitaliste nous dit Michael Albert.
En plus de tout ça, ces usines récupérées ont établi un fonds commun pour venir en aide aux autres travailleurs qui luttent pour instaurer le même modèle de fonctionnement.
Il y a même des transactions entre industries qui se fait au-delà de la compétition et du marché, mais plutôt basées sur des valeurs comme l’entraide et la solidarité.
Mais la triste réalité selon Albert c’est que ces usines fonctionnent à même l’économie de marché capitaliste et sa pression est tellement forte que ça freine l’innovation qui mène à une humanisation de la production.
Plusieurs travailleurs comprennent à présent comment le marché a des implications débilitantes pour une société et Michael Albert a espoir qu’avec le temps ces nouvelles expériences de production mèneront à une nouvelle vision et l’avènement d’un mouvement social plus large.
Une vision où la production ne se réalisera plus par des décisions du haut vers le bas, mais plutôt à l’horizontal dans une société sans division de classe et sans patrons.

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