14 novembre 2004

ARAFAT; FALLUJAH; GEORGE BUSH

Arafat

Contexte : Le président de l’autorité palestinienne est décédé dans la nuit de mercredi dernier.

Il était le symbole vivant du rêve palestinien : représentant à la fois le meilleur comme le pire de la cause.

Petit retour historique : il a fondé le Fatah lors de son séjour au Koweït, ce mouvement mettait l’accent sur le rôle central des Palestiniens eux-mêmes dans leur libération et la méfiance à l’égard des régimes arabes.

À la fin des années 60, il prend la tête du comité exécutif de l’organisation de la libération de la Palestine, un cadre qui réunit les différents groupes palestiniens.

Il réussit à faire reconnaître l’OLP comme le seul représentant du peuple palestinien.

Après avoir prôner un État démocratique unique ou cohabiterait Juifs, Musulmans et Chrétiens, il s’est prononcé à partir de 1974 en faveur d’un État palestinien à côté de l’État d’Israël.

Il signe les accords d’Oslo le 13 septembre 1993, se fait élire président de l’autorité palestinienne au suffrage universel en février 1996.

Il a tenté depuis d’obtenir le retrait des troupes israéliennes des territoires occupés et de naviguer entre la mauvaise volonté israélienne et l’exaspération croissante de son peuple.

La responsabilité de l’effondrement du processus de paix au sommet de Camp David revient aux Israéliens et aux États-Unis qui rejetaient la création d’un état palestinien sur l’ensemble de la Cisjordanie et la bande de gaza avec Jérusalem-est comme capitale.

Le déclenchement de la seconde Intifada à la fin de septembre 2000 représentait l’exaspération du peuple palestinien. L’élection d’Ariel Sharon en février 2001 a favorisé l’escalade de la violence, la destruction de toutes les infrastructures politiques et civiles palestiniennes, les attentats-suicides et les agressions de l’armée israélienne.

Israël et les États-Unis ont répété sans cesse que la présence d’Arafat était e principal obstacle au progrès dans le processus de paix, qu’il sera intéressant de voir maintenant comment la situation se déroulera à l’avenir.

Après la pièce musicale, on regardera ensemble les enjeux et les possibilités de résolution du conflit en palestine.

***

Perspective : Le peuple palestinien devra maintenant se faire à l’idée de changer de leader pour la première fois en plus de trente ans.

Il y a plusieurs candidats mais aucun ne se démarque en appuis populaires.

Le défi immédiat est de faire face au Plan de Désengagement de l’administration Sharon visant le retrait de façade de la bande de gaza.

Ce plan vise en effet l’occupation sous des conditions plus favorables à l’armée israélienne tout en cessant le processus de paix.

Cette stratégie vise à agrandir et de sécurisé les colonies juives illégales en Cisjordanie.

Après le retrait Israël continuera d’exercer le plein contrôle militaire sur l’espace aérien de la bande de gaza, les approches marines et terrestres.

Israël maintiendra son droit d’intervention militaire dans le territoire en tout temps.

La bande de gaza deviendra une géante prison, malgré le grand bruit fait par le retrait des troupes israéliennes.

Du côté de la Cisjordanie, le néo-apartheid poursuivra son chemin : confiant les Palestiniens dans des zones contrôlées; obstruant leurs libres déplacements entre ces zones; brisant la Cisjordanie en quelques 300 zones, entrecoupées par des routes auxquelles les Palestiniens n’ont aucun accès.

En contraste des colons juifs qui auront la pleine liberté de mouvement sous la protection de l’état.

Israël imposera un système serré de permis de résidence et de travail sur le modèle sud-africain des lois de passages.

On poursuit aussi la construction d’une barrière de séparation longue de 700 km — cinq fois plus long que le mur de Berlin — en des endroits mesurant plus de huit mètres, même si cette construction a été déclarée illégale par la cour internationale de justice.

En ce début de nouvelle ère post-Arafat : Israël a confisqué 24% de la Cisjordanie et de la bande de gaza pour des autoroutes, des bases militaires et des colonies; contrôle 80% des ressources d’eau des territoires occupés.

Les campagnes militaires depuis la fin de septembre 2000 ont fait plus de 3000 victimes palestiniennes dont 500 enfants, cette pression militaire a drainé 2,4 milliards de l’économie palestinienne.

Depuis l’occupation de 1967, Israël a détruit 12 000 maisons, 5000 lors des trois dernières années tout en endommageant 15 000.

La situation palestinienne vient d’atteindre un point critique : l’Intifada est en pause, les groupes de jihad comme le Hamas se trouvent sérieusement affaiblis, la crédibilité de l’autorité palestinienne a grandement souffert aux yeux du peuple : la croyance populaire étant que l’AP est devenu mou et corrompu.

Le problème israélien est que la mort d’Arafat ne règlera rien, car les raisons du conflit persisteront tant qu’Israël ne s’engagera pas dans un retrait complet des territoires occupés depuis 1967, n’acceptera pas l’établissement de la capitale palestinienne dans l’est de Jérusalem et ne reconnaîtra pas les droits des réfugiés palestiniens.

Israël avait réussi à construire le mythe voulant que l’obstacle majeur de la résolution du conflit était Yasser Arafat, mais il n’en est rien. Depuis sa mort mercredi dernier, il sera intéressant de voir quel nouveau mythe sera créé pour justifier l’absence d’une paix durable.

Irak : détruire Fallujah pour le sauver

Dans son essai «La banalité du mal», on dirait qu’Edward S. Herman parle de l’intervention militaire à Fallujah, dans sa description du processus à l’œuvre lors de la guerre du Vietnam.

Il écrit que commettre des actes terribles d’une manière systématique et organisé demande un certain degré de normalisation.

Il y a une division du travail dans la réalisation de l’impensable avec les tueries directes commises par un groupe d’individus, les autres travaillant sur l’amélioration de la machinerie de guerre, et les experts dans les médias de masse qui normalise l’impensable pour le public apathique.

Une attaque massive de l’armée américaine a eu lieu cette semaine sur la ville irakienne de Fallujah, même si des dizaines de milliers de civils y étaient encore présents.

Le processus de normalisation de l’impensable consiste à transformer les victimes en sous-humains, de manière à rendre la tuerie moralement acceptable.

Une lettre a été envoyée à Kofi Annan de la part du conseil qui administre la ville de Fallujah, le 14 octobre dernier : on pouvait y lire qu’à Fallujah, l’armée américaine a crée une nouvelle cible vague : al-zarqawi. En un an, depuis la création de cette cible crée comme prétexte pour la destruction de maisons, de mosquées, de restaurants, et le meurtre de femmes et d’enfants ils disent nous avons lancé une opération réussie contre al-zarqawi.

«le peuple de Fallujah vous assure que cette personne, si elle existe, n’est pas à Fallujah… et que nous n’avons aucun lien avec aucun groupe lui ressemblant. Nous vous demandons de faire intervenir l’ONU afin de prévenir ce prochain massacre qui sera commis par le gouvernement pantin des États-Unis et l’armée américaine à Falloujah et ailleurs en Irak.

Pas un mot de cette lettre n’a été entendu dans les médias aux États-Unis et en Grande-Bretagne ou ici.

Une étude sérieuse a démontré que 100 000 irakiens sont morts des suites de l’invasion anglo-américaine.

Cette tuerie suit 10 ans d’embargo meurtrier qui a été la cause d’un million de morts en Irak, dont 500 000 enfants sous l’âge de 5 ans.

On passe sous silence des décrets passés en juin concernant une commission électorale qui permet à Washington d’assumer le contrôle sur le processus électoral Irakien, leur permettant d’éliminer les partis politiques que les États-Unis n’aimeront pas.

Le magazine Time rapporte que la CIA achète ses candidats préférés, ce n’est pas étonnant car c’est de cette façon que la CIA a arrangé des élections partout dans le monde depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

L’invasion non-provoquée de l’Irak, basé sur des mensonges bien documentés est le plus gros scandale politique de notre époque, le chapitre le plus récent de la conquête de territoires et des ressources du tiers-monde par les nations de l’Ouest.

Si nous permettons cette brutalité d’être normalisée, si nous refusons de questionner et d’analyser les plans secrets des structures de pouvoirs illégitimes qui émanent de gouvernements démocratiques et si nous permettons le massacre des habitants de Fallujah en notre nom — le Canada ne condamne pas du toutes les actions entreprises par nos voisins — nous abandonnons à la fois notre démocratie et notre humanité.

Séparation campagne et centre urbains : ne pas blâmer le peuple !

Andrej Grubacic est un activiste serbe récemment immigré aux États-Unis Suite à la réélection de George Bush, il a publié un texte où il fait la comparaison avec l’élection de Slobodan Milosevic en ex-yougoslavie.

Son message aux progressistes états-uniens offre des leçons importantes pour les mouvements de la gauche québécoise aussi, voici :

Je comprends votre sentiment d’impuissance et de désespoir suite à la réélection de Bush, elle me rappelle les sentiments de mes collègues en ex-Yougoslavie lors de l’élection de milosevic.

Les activistes sont trop souvent déçus par le peuple, et le disent trop ouvertement. Le peuple a voté pour Milosevic, même si c’était évident qu’il était une brute sans scrupules.

Après la réélection de Milosevic, une bonne partie de l’élite gauchiste a déménagé au Canada, comme beaucoup de gauchistes des États-Unis semblent suggérer qu’ils fassent.

Beaucoup d’Américains sont dégoûtés par les masses ignorantes, religieuse et fondamentalistes.

Tout comme nous étions dégoûtées par les masses à l’extérieur de Belgrade.

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