04 décembre 2008

LA LEVÉE 3 DÉCEMBRE 2008

La Levée 3 décembre 2008

1. Plaidoyer pour la laïcité : la terreur à Mumbai et la cohabitation entre l'Inde et le Pakistan
2. Les elections du 23 novembre au Venezuela : l'état des lieux de la révolution bolivarienne.
3. La pire crise humanitaire de la planète : la guérison du Congo passe par le Rwanda
4. John Maynard Keynes : la solution qui aurait guéri le capitalisme de son pire défaut, la crise financière cyclique.


MUMBAI

A Mumbai, en Inde, la poussière retombe à la suite d'attaques terroristes sur des hôtels ayant tué et blessé des centaines de personnes, dont des Canadiens en voyage là-bas.

L'interrogatoire du seul terroriste capturé vivant semble indiqué une connexion claire et directe avec le Pakistan

Les cibles étaient choisies pour la présence de touristes et d'élite indienne.

En tout, 90% des 200 morts étaient indiens.

Ce qui n'est pas tout à fait clair encore est la raison pour laquelle les terroristes ont pris des otages.

Une hypothèse veut que c'était pour le relâchement de prisonniers islamistes militants emprisonnés en Inde, mais ce n'est pas certain.

La motivation derrière le massacre est assez claire, par contre : faire du mal à l'Inde au grand complet.

Mais peut-être le but plus large était de provoquer de l'hostilité entre les Hindous et les Musulmans... et encore pire, entre le Pakistan et l'Inde.

Maintenant, les partis politiques en Inde doivent faire attention à une chose, résister à la tentation d'exploiter des sentiments anti-musulmans comme stratégie électorale.

Jusqu'à présent donc il n'y a pas de liens ou de preuves solides qui peuvent indiquer que les terroristes avaient été envoyés à Mumbai par l'État pakistanais.

Mais d'un autre côté, les commandos d'élite indiens étaient surpris par l'excellent entraînement militaire de leurs adversaires... ce qui éveil certains doutes.

Les dirigeants du Pakistan semblent coopérer de bonne foi à la résolution de cette crise avec son voisin... il demeure qu'on ne peut pas effacer 60 ans de suspicion en un coup.

Les deux pays doivent donc trouver le moyen de non seulement agir militairement contre les terroristes, mais d'aller directement à l'élimination des circonstances qui mènent à cet extrêmisme.

Avant tout, cela voudra dire transformer la région du Kashmir en un centre de coexistance pacifique... au lieu d'être la plaie béante qu'elle est en ce moment.

Si le gouvernement indien prend le virage démagogique du patriotisme extrême, d'imposition de lois qui réduisent la liberté des gens... ça sera que contre-productif.

L'Inde et le Pakistan devront se lancer conjointement sur des solutions qui améliorent la sécurité, mais aussi sur des solutions politiques.

Et la solution politique passe par la laïcité et la modernité.

Attaquer des hôtels ne demande pas une grande préparation ni une logistique très complexe... c'est certain que rien ne sera résolu en imposant une société de loi et d'ordre extrême... surtout dans un pays aussi vaste que l'Inde.

Du milliard d'Indiens, 80% sont Hindous et 14% sont musulmsans... une aussi large minorité ne peut pas être rabattu sans provoquer des conflits plus larges.

ELECTIONS VENEZUELA

Parlons maintenant des récentes élections tenues au Venezuela du 23 novembre dernier, que le président Hugo Chavez avait qualifié auparavant de plus important processus électoral jusqu'à présent pour mener à bien sa révolution bolivarienne.

Le peuple du Venezuela devait élire 22 gouverneurs, 328 maires, et 233 conseillers législatifs... un véritable référendum sur le projet socialiste du gouvernement.

Qui a pour but d'approfondir le processus révolutionnaire qui jusqu'à présent a considérablement réduit la pauvreté, mais qui reçoit une résistance accrue de l'élite du pays qui ne manque pas de moyens.

L'opposition accuse le mouvement de Chavez, qui tire son appui chez les masses pauvres, d'être dictatorial.

Pourtant, les forces de Chavez ont remporté 11 des 12 campagnes électorales depuis que Chavez est au pouvoir... chaque processus a été reconnu unanimement comme étant juste et libre.

Donc le 23 novembre dernier, le parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) mené par Hugo Chavez a remporté 17 postes de gouverneur, 81% des postes à la mairie et un nombre total de votes qui a surpassé celui des contre-révolutionnaires de 1,5 millions de voix.

L'opposition de droite appuyée par les EU a tout de même remporté trois larges États, Zulia, Carabobo et Miranda, en plus de la mairie de Caracas... ce qui mène le nombre d'États sous leur contrôle à cinq.

Malgré tout, ces élections étaient un vif succès pour la révolution bolivarienne... et elle est venue du fait qu'elle fonctionne.

La nationalisation des industries stratégiques comme le ciment, l'acier et le lait... en plus de politiques alimentaires, une accélération de la construction de logements sociaux, la lutte contre le crime.

L'opposition a tout de même obtenu 40% du vote... alors que c'est insuffisant pour prendre le contrôle du pays... le processus qui mènera le Venezuela au socialisme a besoin de la mobilisation d'une grande majorité de la population... donc ce noyau solide de 40% devra être réduit...

Les résultats des élections du 23 novembre et les réactions suscitées par elles semblent malheureusement pointées vers une plus grande confrontation et un possible retour à la période turbulante de 2002-2003.

Faudra s'attendre à des attaques encore plus virulentes de la part des médias de masses, l'implication des EU et du sabotage économique capitaliste.

La prochaine année sera encore plus cruciale pour la révolution bolivarienne, avec les pressions liées à une chute du prix du pétrole, source de revenu de premier ordre pour le pays, des luttes internes pour la direction de la révolution et les positions des contre-révolutionnaires.

D'un autre côté, les gains importants de 2008, et le haut taux de popularité de Chavez sont des éléments positifs et indiquent une véritable possibilité pour le Venezuela de poursuivre sa voie vers le progrès et le bien-être commun.



CONGO ET RWANDA

La meilleure façon d'arrêter l'holocauste dans la république démocratique du Congo est de passer par le Rwanda.

La minorité anglophone Tutsi qui règne sur Kigali depuis le génocide de 1994 doit être amenée à se réconcilier avec la majorité Hutu, et accepté enfin sa pleine participation dans des élections ouvertes et démocratiques.

Toutes les autres mesures, incluant l'aide d'urgence et des campagnes de promotion des droits humains ne seront que des remèdes temporaires qui ne règleront pas les horreurs qui se poursuivent dans l'est du Congo.

Car la racine de la guerre des pilleurs qui brûle l'est du Congo est au Rwanda, la poursuite, sur le sol du Congo, de la guerre civile rwandaise de 1990-1994.

La plus récente mesure qui ne résoudra rien est l'envoi la semaine dernière de 21 000 casques bleus au Congo par le conseil de sécurité de l'ONU... qui n'a toujours pas réussi à renverser les forces pro-rwandaises du général tusti Laurent Nkunda après neuf ans de présence.

Le général Paul Kagamé, le dictateur rwandais et ami des pays de l'ouest, dont le Canada, ment à la face du monde lorsqu'il dit que la crise dans l'est du Congo n'a rien à voir avec le Rwanda.

En 2000, le conseil de sécurité de l'ONU a mené des enquêtes afin d'examiner le pillage systématique des ressources du Congo.

Entre 2001 et 2003, il a été dévoilé que la guerre des pilleurs s'était greffée à la guerre de rébellions dans l'est du Congo... selon l'ONU, la pire catastrophe humanitaire, l'équivalent de deux tsunamis par année, 500 000 morts civils.

Dans les jeux entre nations voisines au Congo, c'était à voir qui allait pouvoir piller ses ressources le plus rapidement... en 2003, le Rwanda et l'Ouganda étaient soudainement devenus des exportateurs majeurs d'or et de diamants.

Mais de loin le minéral le plus attrayant est le coltan, en grande demande chez l'industrie électronique, ses cellulaires allant aux jeux vidéos.

Le coltan a été extrait du sol et envoyé à travers les frontières... du pur vol.

Et selon toutes les données, la vie est littéralement l'enfer pour les 30 millions d'habitants de l'est du Congo, à peu près la moitié de la population, dans une région aussi large que l'Europe de l'ouest.

Du viol sur une échelle massive, l'esclavage dans les mines, l'enrôlement forcé d'enfants soldats, etc.

Malgré tout, le Rwanda et Laurent Nkunda sont traités aux petits soins par la communauté internationale.

En Grande-Bretagne, le parlement à Londres a condamné la guerre de Nkunda, affirmant que son impact sur les civils était pire que le Darfour ou l'Afghanistan.

La vraie paix au Congo et dans la région plus large des grands lacs africains, repose peut-être entre les mains de Barack Obama et sa vision pour le continent africain.

La solution sera de mettre fin à la liberté du Rwanda d'intervenir au Congo, et ensuite de démocratiser le Rwanda.

La guerre au Congo vient du Rwanda, la paix viendra aussi de là.

Mais pendant que je vous parle, les combats continuent entre les troupes fidèles au seigneur de guerre tutsi Laurent Nkunda, des groupes de milices et l'armée du Congo.

Dernièrement des dirigeants du Congo et du Rwanda ont accepté de rencontrer le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon afin de résoudre le conflit... et Nkunda résiste.

Et rappelons que la mission des casques bleus, le plus large contingent déployé de l'ONU, est considérée comme inutile, les troupes étant répandues dans un territoire large comme l'Europe de l'ouest... ils sont donc incapables d'arrêter la violence.

Le temps est donc venu d'appliquer des solutions plus larges que l'intervention militaire.

LES SOLUTIONS DE KEYNES

Je continue ma série sur le grand économiste John Maynard Keynes.

Au cours des lendemains de la 2e guerre mondiale, Keynes avait en main la solution à la crise financière à laquelle nous faisons face en ce moment, mais sa solution a été rejetée et oubliée.

À la conférence de Bretton Woods en 1944, qui a mis les fondations du système financier et économique global que nous connaissons aujourd'hui, Keynes avait eu une idée de génie.

Une des raisons de la crise financière est le débalancement commercial entre les nations.

Des pays accumulent des dettes en partie à cause qu'ils maintiennent un déficit d'échange.

Ils peuvent rapidement être pris dans un cercle vicieux : le plus gros leur dette, le plus difficile que ça devient de générer des surplus d'échange.

Des dettes étrangères détruisent le développement des peuples, l'environnement et menace le système global avec des crises périodiques.

Et comme Keynes l'avait reconnu, il n'y a pas grand-chose qu'un pays endetté peut faire.

Seulement les pays qui maintiennent un surplus ont du vrai pouvoir, alors c'est à eux de changer leurs politiques.

Sa solution était un système ingénieux qui poussait les pays créditeurs à dépenser leurs surplus dans les économies de nations endettées.

Il avait proposé une banque globale, qu'il appelait l'International Clearing Union.

Cette banque distribuerait sa propre monnaie, le bancor, échangeable avec des devises nationales à un taux fixe.

Le bancor aurait été l'unité comptable entre les nations, il aurait été en mesure d'évaluer les déficits ou les surplus d'échange d'un pays.

Afin que le système fonctionne, les membres de la banque allaient avoir besoin d'un incitatif puissant pour effacer leur compte en bancor avant la fin de l'année : afin de n'avoir ni un surplus, ni une dette.

Keynes avait proposé qu'un pays accumulant un large déficit allait être chargé de l'intérêt dans son compte de bancor.

Il serait aussi obligé de réduire la valeur de sa devise nationale afin d'empêcher l'exportation de son capital.

Il a insisté à ce que les pays connaissant des surplus soient soumis aux mêmes pressions.
Donc serait obligée d'augmenter la valeur de sa devise et ainsi permettre l'exportation de capital.

Les nations connaissant des surplus auraient donc un puissant incitatif pour s'en débarrasser.

... Et en agissant de la sorte, ils effaceraient les déficits des autres nations.

Lorsque Keynes a lancé son idée dans des articles publiés en 1942 et 1943, les économistes du monde entier reconnaissaient qu'il avait trouvé la solution.

Alors que les alliés se préparaient pour la conférence de Bretton Woods, la GB avait adopté la solution de Keynes comme étant sa position officielle.

Mais à l'époque il y avait un pays, dans le temps le plus grand créditeur de la planète, qui l'a catégoriquement refusé.

Les États-Unis ont proposé plutôt ce qui allait devenir le FMI et la BM.

Donc tout le poids de la balance des échanges allaient être placé sur les épaules des pays déficitaires... et il n'y aurait pas de limite aux surplus qu'un pays exportateur allait être en mesure d'accumuler.

Les conséquences, surtout pour les pays les plus endettés, se sont avérées catastrophiques.

Agissant au nom des pays riches, imposant des conditions qu'aucun pays libre n'accepterait, le FMI a saigné les pays endettés à blanc.

Le FMI a accentué des crises économiques et créé des crises où il n'y en avait pas avant.

Déstabilisation de devises, endettements massifs, récessions, destruction des services publics et des emplois pour des dizaines de millions de personnes.

Lors d'une réunion récente du G20 les pays riches ont reconnu que les institutions financières de Bretton Woods devaient être réformées.

Mais ça ne sert à rien de gosser avec un système qui à sa base est destiné à la faillite.

Mais afin de comprendre pourquoi l'économie mondiale frappe constamment des murs, il faut avant tout comprendre ce qui a été perdu en 1944.

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