13 mars 2006

LA LEVÉE 13 MARS 2006

Philippines

Nous allons revoir ensemble la situation politique aux Philippine avec l’aide d’un article trouvé sur le site Focus on the Global South, à focusweb.org : Herbert Docena, professeur d’économie à l’université des Philippines.
Alors à la fin du mois de février, le jour même où les Philippins devaient souligner le 20e anniversaire du soulèvement du peuple qui a mené à la fin de la dictature de Ferdinand Marcos…
Le style de gouvernance de Marcos a fait un retour en force : le 28 février la présidente Gloria Arroyo a déclaré l’état d’urgence suite à la décision d’un groupe de soldats de se joindre aux protestations contre son gouvernement.
L’état d’urgence nationale a duré du 24 février au 3 mars et la présidente Arroyo a déclaré le 7 mars dernier qu’elle n’hésiterait pas de l’imposer à nouveau si le besoin se présente…
Tout ça vient d’une crise politique qui dure depuis juin 2005 avec la sortie de bande audio où la présidente des Philippines semble affirmer ouvertement qu’elle a triché lors des élections de 2004.
Les appels à sa démission ou son renversement se sont fait entendre de plus en plus depuis avec des protestations quasi quotidiennes dans les rues et des coalitions politiques qui se forment même entre rivaux pour tenter de la déloger.
Mais ce qui se passe aux Philippines ne se limite pas juste à la survie politique d’Arroyo… On assiste surtout à un point tournant pour la vie politique des Philippins en général…
Suite à la chute du régime de Marcos en 1986, l’élite dirigeante conservatrice, avec l’aide des ÉU, a rapidement réintroduit le système politique pré-dictatorial qui les avait si bien servi pour leur main-mise sur les richesses du pays.
L’élite a donc restauré des libertés civiles, mais a limité la démocratie à un concours électoral fortement biaisé en leur faveur.
Alors depuis 1986 on a donc une forme de démocratie très limitée aux Philippines :
L’élite a donc été en mesure de soumettre les masses à l’obéissance, non pas par la force d’une dictature mais en rappelant à la population qu’ils ont été le choix du peuple.
En dominant ainsi l’État par le processus électoral, l’élite au pouvoir a été en mesure depuis 1986 de couper court aux aspirations des Philippins qui exigent une meilleure distribution de pouvoir, de richesse et d’opportunités économiques.
Mais malgré ces forces, le système politique post Marcos demeure assez instable.
Cette incapacité d’améliorer le sort de millions de citoyens a fortement érodé la légitimité de l’ordre politique, même si cette démocratie à basse intensité est ce qui permet aux mouvements d’opposition de s’organiser et de manifester.
Alors malgré la faiblesse et la fragmentation de l’opposition aux Philippines, elle n’a pas, au moins, été écrasé de la même manière que l’a été celle de ses voisins en Thaïlande ou en Indonésie.
Après la musique, nous verrons d’où vient cette récente vague de soulèvement du peuple et les racines de ce retour au style de gouvernance de l’époque de Ferdinand Marcos…
En janvier 2001, les factions de l’élite qui avaient été déplacés par la présidence de Joseph Estrada ont profité de la colère générale concernant des allégations de fraude au gouvernement pour saisir le pouvoir avec un discours populiste.
En commettant, selon toutes suppositions, des fraudes lors de l’élection de 2004, et surtout en étant assez imprudente pour se faire prendre sur cassette en train de l’avouer, Arroyo s’est attirée les foudres de ses collègues de l’élite.
Alors on se retrouve aujourd’hui avec une lutte à finir entre ceux qui veulent préserver leur position de domination sur la société et ceux qui veulent les renverser : en somme, ceux qui veulent conserver le système instauré après 1986 et ceux qui veulent le démantelé.
Face aux menaces venant des autres groupes d’élite et venant aussi des mouvements de gauche, Arroyo s’est tournée vers des mesures autoritaires, érodant, en quelque sorte, le système très limité de liberté démocratique instauré après le renversement de Marcos.
La plus forte menace à son règne vient du mouvement noir et blanc, regroupant des centristes, des droitistes, des gens de centre gauche aussi : tous représentés par la famille Aquinos, la hiérarchie catholique et la classe affairiste.
Leurs solutions exigerait une intervention extraconstitutionnelle et ne serait donc pas limité par les paramètres du système électoral instauré en 1986.
En défense de ce système se trouve des groupes militaires au sein du gouvernement Arroyo qui font appel à des mesures répressives telles que l’on a vu entre le 24 février et le 3 mars dernier.
Alors pendant que différents groupes se battent pour le pouvoir, bien disons que l’ambassade américaine est devenue une destination très populaire…
Faut rappeler que les Philippines ont été une colonie américaine jusqu’en 1946, mais même après ça Washington a pesé lourd dans la vie socio-économique des Philippins
Étant même responsable de l’instauration du régime répressif et profondément corrompu de Ferdinand Marcos
En voyant comment les soulèvement précédents du peuple n’ont mené qu’au remplacement d’un groupe d’élite au pouvoir par un autre, ce qui n’a en rien changé leur bien-être économique, les masses risquent cette fois-ci de ne pas embarquer passivement dans une nouvelle ronde de chaise musicale au pouvoir…
On verra bien comment les Philippins réagiront au cours des prochains mois…

Papouasie de l’Ouest
Le journaliste et documentariste John Pilger a été un des premiers a exposé le génocide commis par la dictature indonésienne contre le peuple du Timor oriental.
Il nous rappelle dans un récent article que même Pol Pot n’avait réussi à massacrer proportionnellement autant de monde que l’avait fait Suharto … et tout ça avec l’appui tacite de la communauté internationale, dont notre beau pays le Canada.
La commission sur la vérité concernant les événements horribles au Timor oriental, mené par l’ONU, a produit un rapport de 2 500 pages le 24 janvier dernier.
Alors on peut y lire que plus de 180 000 timorais ont été directement tués par l’armée indonésienne ou tué par famine forcée.
Le rapport décrit aussi les rôles indéniables dans ce carnage joué par les ÉU, la GB et l’Australie :
L’appui politique et militaire de ces trois pays a été crucial pour mener sans se faire déranger des exécutions massives, d’horribles abus sexuels et de la torture en plus d’abus d’enfants.
La GB a été dénoncé pour avoir été le principal fournisseur d’armes aux troupes indonésiennes.
Et tout ça, nous dit John Pilger, se passe encore sous nos yeux, avec le même appui tacite de la communauté international, jouant les mêmes rôles de supporteurs et de bénéficiaires de l’écrasement d’un peuple sans défense.
L’occupation brutale de la Papouasie de l’Ouest par l’Indonésie, une vaste province riche en ressources naturelles pillée et volées, comme c’était le cas au Timor-oriental.
On estime à 100 000 personnes, soit 10% de la population, qui ont été tué par l’armée indonésienne…et ce n’est qu’une fraction du taux réel selon les réfugiés.
Depuis un an, près de 6000 personnes se cachent dans la jungle dense après que leur village et leurs récoltes aient été détruits par les forces armées indonésienne, parce que l’on a tenté de hisser le drapeau de la Papouasie de l’ouest.
Lorsque les Pays-Bas ont remis l’indépendance à l’Indonésie en 1949, ils avaient affirmé que la Papouasie de l’ouest était une entité géographique et ethnique distincte, reconnaissant même la formation d’un État autonome.
Mais les Pays-Bas ont éventuellement cédé aux pressions de l’administration Kennedy pour permettre le contrôle temporaire de l’Indonésie sur ce que la maison blanche a qualifié à l’époque de quelques milliers de kilomètres de territoire cannibale.
Et en 1969, sur une population de 800 000, 1000 d’entre eux, choisi à la main par l’Indonésie ont voté pour rester sous la gouverne du général Suharto.
En 1981 on apprenait pour la première fois qu’entre les années 1963 et 1969 près de 30 000 Papous de l’ouest avaient été tués.
Alors comme c’était le cas au Timor oriental, la raison du silence de la communauté international vient de la grande richesse naturelle de la Papouasie de l’ouest.
L’ONU doit donc revenir sans attendre en Papouasie de l’Ouest, comme elle l’a fait 25 ans trop tard, au Timor oriental.
Pour en savoir plus et surtout pour aider leur cause, visitez le
www.freewestpapua.org


Immigration au Canada
Je vous parle maintenant d’Abdelkader Belaouni, cet homme aveugle d’origine algérienne qui a trouvé refuge à l’église St-Gabriel ici à Montréal depuis le 1e janvier 2006, défiant l’ordre de déportation d’immigration Canada.
Le 21 novembre dernier, le gouvernement l’avait averti que le 5 janvier de cette année il serait déporté, abandonnant de la sorte une vie et une communauté qu’il a passé les 3 dernières années à construire et 10 ans à trouver.
Monsieur Belaouni a fuit l’Algérie en 1996, fuyant une guerre civile qui a coûté la vie à 100 000 personnes…
Après un séjour à New York, il a décidé de quitter l’insécurité des lendemains du 11 septembre pour venir ici.
Il a fait une demande pour le statut de réfugié, se joignant aux 200 000 personnes vivant au Canada sans statut officiel.
Ceux et celles qui demandent le statut de réfugié peuvent attendre des mois, voire des années avant que le Canada leur accorde statut de résident permanent.
Et c’est l’absence de ce statut qui rend extrêmement difficile la recherche d’emploi.
Faut rappeler que quitter son pays, sa communauté, sa famille ce n’est pas un choix que les gens prennent à la légère : ils le font parce qu’ils fuient la plupart du temps la guerre, la pauvreté extrême et l’oppression…
Et bien qu’ils se considèrent chanceux d’être ici, disons que le Canada a eu rôle a joué dans le fait qu’ils sont aujourd’hui des réfugiés.
La politique étrangère et le système d’immigration du Canada contribue à l’apartheid global :
Un système qui fait en sorte qu’une minorité de la population contrôle la vaste majorité et possède pratiquement toute la richesse
Un système global où le capital peut se déplacer à son aise et non pas les personnes.
Les projets miniers des transnationales canadiennes déplacent les paysans qui perdent tout au profit des intérêts économiques canadiens.
…Et pour accéder au statut de résident permanent ici il faut démontré que l’on s’est bien établi…
Et selon immigration Canada, le fait que Belaouni n’a pas d’emploi, n’a pas d’épouse et d’enfant ici signifie qu’il ne s’est pas bien établi en fin de compte.
Sauf qu’il y a plus de 40 organisations à Montréal qui appuient sa demande de statut de réfugié…
Et il travaille depuis qu’il est ici, il n’a juste pas été payé : depuis un an il contribue son temps à l’association multi-ethnique pour l’intégration des personnes handicapées.
Monsieur Belaouni est aveugle, juste l’an dernier, seulement 25% des handicapés visuels ont un boulot.
Et en tant que résident non-permanent, il ne pouvait tout simplement pas se qualifier pour les programmes gouvernementaux pour augmenter ses chances de se trouver un travail.
En juin dernier, près de 1000 personnes ont pris par à la marche personne n’est illégal, une marche de 200km de Montréal à Ottawa organisée par Solidarité sans frontières…
Cette organisation affirme que tous, sans exception, devraient pouvoir décider de l’endroit où ils vivront et travailleront.
Ils appellent donc à la fin des déportations et la remise du statut de résident permanent à tous ceux qui le souhaite.
Une personne devrait pouvoir rester ici non pas parce qu’elle à 200 000 $ en banque ou un doctorat, mais parce qu’elle est un être humain.
Oui, les frontières des pays riches seraient aussi tôt envahies de réfugiés si ce droit était accordé…
Mais il faut se dire que tant que l’on laissera nos transnationales et les autres pays opprimé les gens du sud, ceux qui sont forcés de se déplacé devraient avoir la pleine liberté de décider d’où elles veulent vivre et élevés leur famille...


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